Bilan de la journée IA du 7 octobre 2025
Usages, principes et perspectives pour l’éducation dans l'académie de Grenoble
Le 7 octobre, au centre Inria Grenoble, s’est tenue une matinée d’échanges sur les usages pédagogiques et professionnels de l’intelligence artificielle. Après un mot d'accueil de Vincent Roca, responsable de l’équipe-projet PRIVATICS, la journée a été ouverte par Philippe Dulbecco, recteur de l’académie de Grenoble. Les interventions se sont enchaînées par vagues de trois, limitées à 180 secondes chacune, avant la réaction de Vincent Lacroix, senior Vice-President - Directeur Conseil en Architecture de Systèmes d'Information chez Cagemini, et les questions de Charles Torossian, directeur de l'IH2EF - Administrateur de l'État (Inspecteur général) - Mathématicien PhD, HdR.
Contexte et objectifs
Le territoire dispose d’un écosystème d’usages de l’IA riche mais dispersé. Cette matinée visait à partir du réel : observer ce que font les enseignants, les élèves, les personnels administratifs et les corps d’inspection, pour dégager des repères partagés et nourrir une dynamique commune au service des équipes. Grands témoins tout au long des échanges : Charles Torossian et Vincent Lacroix.
Format des interventions : des temps courts pour aller à l’essentiel
Les présentations se sont déroulées par vagues de trois intervenants. Chacun disposait de 180 secondes pour exposer un usage ou un éclairage. À l’issue de chaque vague, Vincent Lacroix proposait une lecture à chaud pour relier les points saillants, puis Charles Torossian poursuivait avec une série de questions destinées à préciser les conditions de mise en œuvre, les limites et les leviers de généralisation. Ce rythme a favorisé la variété des points de vue sans perdre en clarté.
Usages observés par profil
Chefs d’établissement
L’IA est mobilisée comme accélérateur de préparation : ordres du jour, trames de réunion, messages aux familles et aux équipes, supports standardisés et synthèses plus lisibles. Elle aide également à mettre en forme des éléments de pilotage (indicateurs simples, listes, tableaux) pour faciliter les échanges et la prise de décision. L’usage reste sous contrôle du chef d’établissement, qui vérifie et valide les contenus avant diffusion.
Enseignants
Les pratiques relèvent surtout de la différenciation (adapter un même contenu à plusieurs niveaux), de la génération d’exercices et d’outils d’évaluation, de la relecture de consignes ou de copies (clarification, exemples, pistes d’amélioration). L’IA est aussi utilisée pour proposer des variantes d’activités (quiz, texte à trous, problèmes ouverts) et pour préparer des rétroactions individualisées. Les participants soulignent l’importance de vérifier le fond et d’expliciter la démarche aux élèves.
Élèves
Du côté des élèves, l’IA sert de tuteur d’appoint : demander une explication pas à pas, reformuler une notion en langage simple, construire un plan avant de rédiger, générer des exemples supplémentaires pour s’entraîner. Elle peut aussi aider à l’organisation (mise en page, relecture de base). Les équipes rappellent la nécessité de cadrer ce qui est autorisé (aide à l’apprentissage) et ce qui ne l’est pas (faire à la place).
Personnels administratifs
Les services s’appuient sur l’IA pour produire des notes de synthèse, mettre en forme des tableaux ou extraire des points clés de documents volumineux, dans une logique d’appui à la décision. Le bénéfice principal tient au gain de temps et à la lisibilité accrue des informations partagées.
Repères et points de vigilance partagés
Des réponses plus fiables avec des documents de référence (RAG)
Le Retrieval Augmented Generation (RAG) consiste à brancher l’IA sur une bibliothèque de documents de confiance (documents d’établissement, ressources académiques, procédures internes). L’outil cherche d’abord dans ces sources avant de rédiger sa réponse, ce qui réduit les erreurs et contextualise les productions. Des participants invitent à constituer une base locale et à former les équipes à l’art de poser des demandes claires (le prompt).
Données et vie privée : des règles compréhensibles par tous (RGPD)
Le Règlement général sur la protection des données rappelle trois principes opérationnels :
- Ne pas coller d’informations sensibles (élèves, personnels, dossiers) dans des services non prévus à cet effet ;
- Privilégier des solutions offrant un hébergement en France/UE et des engagements contractuels clairs (accord de traitement des données, confidentialité, sécurité) ;
- Informer les usagers des règles internes d’usage et de conservation.
Se recentrer sur le besoin
Au-delà du “faire vite”, l’IA déplace l’effort vers l’analyse fonctionnelle : définir à qui s’adresse un contenu, pour quel objectif, avec quels critères de réussite. Elle sert ensuite à prototyper et tester des variantes plus rapidement.
IA spécialisées et contrôle humain.
Selon les objectifs, une IA spécialisée (adossée à une base précise) peut fournir des résultats plus fiables qu’un outil généraliste. Dans tous les cas, le contrôle humain reste indispensable, notamment pour les aspects juridiques et déontologiques.
Contenus multimodaux et parcours personnalisés
Les échanges pointent un mouvement vers des ressources hybrides (vidéo courte, quiz interactif, texte) au service de parcours différenciés. L’enjeu n’est pas d’“industrialiser” la classe mais de multiplier les entrées pour aider chaque élève à comprendre.
Toujours l’humain au centre.
L’IA peut jouer le rôle d’« ami critique » pour éclairer la décision et améliorer la qualité des productions, mais le regard professionnel et le mimétisme humain restent essentiels aux apprentissages. Le temps gagné doit bénéficier au conseil et à l’accompagnement.
Pistes d’action pour les établissements
À court terme, les participants suggèrent de former largement (formats courts de 30–60 minutes) aux fondamentaux : poser une bonne question, brancher une base locale de documents, vérifier une réponse, citer ses sources. Ils recommandent aussi de clarifier les règles d’usage (ce qui est autorisé, où vont les données, quelles précautions) et de préserver l’humain en évitant la surproduction de contenus. Enfin, côté élèves, il s’agit d’éduquer aux usages responsables : distinguer l’aide à l’apprentissage de la substitution, vérifier l’information, créditer les sources.
Retrouvez la captation des témoignages ci-contre.
VIDEO DES CAPTATIONS
Intervention de Pierre-Yves Oudeyer — IA générative, société et éducation
En fin de matinée, Pierre-Yves Oudeyer (Directeur de recherche Inria et responsable de l'équipe-projet [Flowers AI & CogSci Lab], a proposé un panorama des usages de l’intelligence artificielle générative et des questions qu’ils soulèvent pour la société et pour l’école. L’intervention a posé des repères clairs pour comprendre l’ampleur des transformations en cours.
Sur le plan sociétal, il a rappelé que ces outils modifient la circulation de l’information. Ils facilitent l’accès aux connaissances, mais peuvent aussi diffuser des contenus trompeurs. Cette évolution appelle une vigilance accrue et la mise en place de pratiques de vérification et de croisement des sources.
Sur plan de l’éducation, l’intervention a montré que ces technologies changent les habitudes de travail sans se substituer au jugement professionnel des équipes. Elles invitent à repenser certaines modalités d’évaluation et à former les élèves comme les adultes à formuler une demande, à identifier une réponse incomplète et à relancer l’outil de manière pertinente.
La conférence est visionnable ci-après, et le support de présentation est disponible au téléchargement.
Et après ?
La matinée a permis d’objectiver des usages déjà présents et d’identifier des besoins partagés. La suite consistera à mettre en cohérence ces initiatives pour accompagner les équipes, sécuriser les pratiques et maintenir le jugement professionnel au cœur des décisions. L’enjeu est désormais de transformer ces échanges en repères opérationnels et en services utiles, au bénéfice des élèves comme des personnels.